Pier 31

Écrit par sur 11 juin 2020

Magali, Christophe et Michel, un pour tous, tous pour un !

Un rire généreux se fait entendre du fond de la salle, quelques voix fusent, ça plaisante ; Magali me dit bonjour avec un sourire que l’on devine derrière le masque : je suis bien arrivée au Pier 31, restaurant du quai de l’Epi !

Je suis en avance, et le service du midi n’est pas tout a fait fini ; je m’installe donc sur une table en hauteur, sur ce qui sera la future terrasse couverte m’a t­on déjà expliqué par téléphone.

Telle une fusée, Christophe surgit du fond de la salle : le rire c’était bien lui ! Il me salue et va s’occuper des dernières tables en terrasse et bien sûr, discuter !

Car parler et plaisanter, ça il aime Christophe ! «Je pourrais même parler avec une tasse à café» me dit-il plus tard !

Pendant les quelques quinze minutes où j’attendrai qu’ils soient un peu plus disponibles, pas une seule personne ne passe sur le Quai, sans qu’une plai­santerie soit échangée ou une gen琀lle taquinerie soit lancée à la volée : « Dis donc, t’es bien bronzé pour quelqu’un qui travaille, toi !»

En ce mois de juin, la saison ne bat encore son plein à Saint Tropez, Covid oblige. Tous les gens qui passent devant le restaurant sont donc des travailleurs ; souvent ceux des commerces et restaurants voisins qui semblent être tous des amis : je comprendrai par la suite pourquoi !

Tropézienne et fille de restaurateurs, Magali a toujours baigné dans le commerce et a appris sur le tas. Elle fait les saisons d’hiver à la montagne, près de Barcelonette : elle et ses associés ont acquis un petit hôtel sept chambres qui leur permettent de travailler ; quand Saint Tropez s’endort à la fin de l’automne.

Christophe est né en région parisienne, a habité le Loiret et le Jura, connaît bien l’île d’Oléron où sa grand mère a une maison, et CAP charpentier en poche ; découvre dans les Alpes de Hautes Provence, le métier du bar dont il tombe amoureux, avant de tomber amou­reux de… devinez qui : la belle hôtelière de la Val­lée de l’Ubaye !

Christophe suit Magali à Saint Tropez où il travaille comme barman à l’Oc­tave, génial piano bar de l’époque. « Quand tu arrives de la Vallée de l’Ubaye, il y a beaucoup de choses qui te marquent à Saint Tropez» Oui, je veux bien imaginer qu’il a vécu, à ce moment là, un grand écart culturel !

La belle famille ­pure­ ment tropézienne ­lui permet, cela dit, de ne pas s’arrêter à la pre­mière image tape à l’œil.

L’arrivée de leur fils dans leur vie lui fait arrêter la nuit et il rejoint sa femme et associés au bar à huîtres Chez Madeleine.

C’est en cherchant un local qui leur permette de développer leur activité de traiteur qu’ils tombent sur le 31 quai de l’Epi qui possède une licence IV.

Tous ces entre­preneurs ne résistent pas : le NBA (ancien nom du Pier 31), un sport bar américain, est né.
Le décor est planté : « depuis onze ans, nous sommes donc mon mari et moi, 24 sur 24 ensemble !»

Pourquoi un sport bar américain ? Christophe ­d’abord réticent au mode de vie américain ; mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! ­a un coup de foudre pour New York et depuis, ils sillonnent chaque année différentes régions américaines.

Bien sûr, tous les deux me parlent beaucoup de leurs réflexions autour de ce nouveau lieu qu’ils sont en train de concevoir avec Michel, leur cuisinier et associé. Ces trois là, loin de se reposer sur leurs acquis, ont l’instinct du changement : ils se rendent compte qu’on trouve peu de cuisine traditionnelle à Saint Tropez et comme : « Michel sait tout faire»…

Ils veulent donc revenir aux sources avec une cuisine simple et goûteuse et continuer à faire manger les tropéziens aussi ! En même temps que la carte, la décoration va donc évoluer et vous retrouverez cette belle équipe sous un nouveau nom : Le Voilier by Le Pier 31.

Il y aura toujours pour les habitués fans, le burger du jour : mais « chuuuuut », ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai dit !

Oui, les habitués sont une grosse partie de leur clientèle : nos trois mousquetaires savent exac­tement ce qu’ils aiment et à qui il faut retirer tel ou tel ingrédient… Dans les habitués il y a donc :
les restaurateurs voisins. Je le découvrirai en voyant débarquer un de ceux là vers 15h30 : « Tu peux encore nous faire à manger ? »

« Ah non : on a fini là !» et puis, après une courte vérification auprès de Michel : « C’est bon : ramène moi juste deux assiettes, je te les apporterai pleines quand ce sera prêt !»
Quel service !

Je comprends pourquoi une si belle entente règnent avec ceux qui sont censés être des concurrents, quand Christophe m’explique comment ils font attention à ne pas empiéter sur les spécialités culinaires des autres.

Jamais un plat du jour est une spécialité du voisin et quand Michel choisit d’accompagner sa viande avec de la semoule ce sera le jour où le restaurant marocain est fermé.

Intelligence, je crois que c’est le mot ! Michel, Michel, Michel…

Je veux connaître Michel ! Cela tombe bien, le service de midi s’est achevé entre temps, et celui-ci vient de s’installer au bar de son restaurant pour se détendre : c’était sans compter sur cette importuneuse qui vient l’interroger !

Il se définit comme un cuisinier de la vieille géné­ration et je sens bien qu’il n’aime pas parler de lui.
Il parle beaucoup plus volontiers de son métier et de ses pairs ; notamment de Mr Claude Girard, « quelqu’un d’exceptionnel» sous l’égide duquel il a travaillé aux Santons, restaurant gastronomique de Grimaud.

Il me parle bien sûr de ce qu’il aimait avant et notamment de cette restauration « sans concept ». Adolescent, il est déjà dans les cuisines de l’Escale, avant de faire son école hôtelière à Nice et de gagner plusieurs concours.

Dans les années 80, il passera par tous les prestigieux établissements du Port : le Bistrot de la Marine, Leï Mouscardins, l’Escale encore : « 120 kgs de poissons pouvaient être rentrés tous les jours : que des grosses pièces, pas de filets, tout était découpé sur place»

Quand je lui demande quelques mots pour définir l’ambiance tropézienne : « Celle de TF1 ou celle de Arte ? Parlons nous de La Bravade ou de La Voile Rouge ?» C’est assez bien résumé en effet : à Saint Tropez, il y en a pour tous les goûts. « C’est le seul pays au monde où sur la même route, tu peux voir une Roylls, une 2 CV Citroën, et un tracteur !»

Rien que pour cette phrase, je suis heureuse d’avoir rencontré Michel !

Allez je t’embête plus Michel ; je sens bien que tu as envie de plaisanter et de dérouler tes anecdotes ­celles que tu ne voudras me délivrer ! ­dans l’intimité, avec les amis que tu as choisi : Christophe, Magali et les quelques autres qui sont venus nous rejoindre au bar alors qu’il pleut des cordes.

L’accueil prévenant, la plaisanterie toujours prête à être dégainée, une cuisine authentique : ces trois là ont fait de ce lieu, un endroit de caractère où l’on rit volontiers, où l’on vous charrie aussi mais toujours avec amour et bienveillance. Un lieu où vous vous sentez exister !

C’est avec ces pensées que je suis repartie sous la pluie, mais le soleil dans le cœur !


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