Sweet Papa John

Écrit par sur 5 décembre 2022

Viens, et prends une chaise…

Antoine Palma a sans doute toujours eu un pied bien enraciné dans un autre Sud. Sensibilisé très tôt à la musique, il devient pendant vingt-cinq ans la figure musicale incontournable de la FNAC toulonnaise.

Fondateur du groupe SWEET PAPA JOHN (Blues Rock) ainsi qu’à l’origine de plusieurs projets musicaux tels que P-TROLL (Hard Rock), NO SMOCKING (Blues) ou SLIDING DELTA (Trio acoustique), Antoine Palma est un météore.

Autodidacte généreux aux activités artistiques étendues : auteur, traducteur, comédien… il galvanise et fédère un public encore plus à l’écoute de la musique et de son histoire. Il a accepté l’invitation alors viens, et prends une chaise…

Rappelle-moi comment on s’est rencontrés déjà ?

A.P. : Ken Parker ! Un numéro spécial réunissant cinq histoires en couleurs et sans bulles. Je m’en souviens comme si c’était hier ; comme tu es libraire, ma nièce t’avait mise au défi de trouver une bande-dessinée très rare que je cherchais depuis longtemps. Les mois passent, bon.

Et un jour, elle m’apporte la BD soigneusement glissée dans une pochette transparente, et la pose devant moi. Putain, j’étais vraiment scotché ! Ensuite, tu m’as trouvé des BD très pointues et notre amitié s’est enrichie en points de convergences multiples. Les bouquins, le ciné, les primates. J’aime notre amitié. Elle est solide, sincère et fraternelle.

Trente ans cette année que ton groupe SWEET PAPA JOHN incarne l’Esprit du Blues et le partage sur scène de façon si singulière. Tonio, tout ce chemin, qu’est-ce que cela t’a apporté dans TA définition de la musique ?

A.P. : Mon but depuis toutes ces années est d’amener le public à écouter les originaux. L’interaction avec les gens est très naturelle chez moi ce n’est pas une méthode. Quand j’étais disquaire, mes clients m’abreuvaient de questions et, c’est avec un plaisir non dissimulé, que je leur racontais des anecdotes historiques sur l’enregistrement des disques ou des faits concernant les musiciens.

Tu sais, il y a des jours qui ont défini ton histoire au-delà de ta propre vie, je me fais un peu le narrateur de ces récits exemplaires et autres wild stories. C’est ma manière de réhabiliter la pulsion fondamentale de certaines luttes. D’ailleurs, sur scène, le geste de frapper du poing en rythme ma poitrine montre ça… l’exaltation à traduire concrètement cet ébranlement primordial.

C’est un cocktail d’épaisseur et de grâce primitive. C’est inouï la scène ! L’instant est semence vivante, et la rétribution de cette dévotion est incommensurable. On accède à l’Absolu. Mystique. Musical. Passionnel. Avec le groupe, nous nous éclatons à transmettre cette énergie à mille pour cent. Cette énergie communicative est due en partie à la dose de Rock qu’on y ajoute, tout en respectant l’Esprit du Blues. L’héritage musical est dot divine.

De soir en soir, c’est toujours différent mais l’esprit reste le même : direct et spontané. Pour moi, la musique c’est la recette d’une COULEUR et d’une DIVERSITÉ. L’important, c’est avec quel esprit tu vas faire ta recette ?… SWEET PAPA JOHN est le récit d’une longue allumette.

Durant tout le XXème siècle, le Blues souffle en terre musicale. Qu’est-ce que les bluesmen ont répandu de fondamental et de si authentique ?

A.P. : Un cantique profond. Le prolongement d’une Histoire même. À cette époque, il y avait beaucoup de racisme et de ségrégation. En écho au spiritual et au work-song, les noirs américains du Mississippi exprimaient leur tristesse, leurs déboires, fréquentaient des juke-joints.

Tu allais cracher ta plainte… démuni, démoli, lowdown un rythme très lent. C’est le Blues par excellence. Sa substantifique moelle a toujours été le lien émotionnel avec l’humain. Des personnalités comme Charley Patton (le Fondateur), Son House (le Père) ou Robert Johnson (l’icône absolue) initieront ce DELTA BLUES au climat rustique.

À partir des années 50, à Chicago et dans d’autres grandes villes, le Blues va subir une influence contextuelle et géographique car délocalisé de là où il est né. Le travail est à l’usine, plus au champ. La guitare est électrique, branchée à l’ampli. BB King, Albert Collins et surtout le prédicateur charismatique : Muddy Waters ! Hoochie Coochie man, Mannish Boy… Le son binaire et tranché du Blues de Muddy Waters a fortement influencé les rockeurs blancs grâce à un beat plus urbain.

Arrivent les années 60, les blancs étaient déjà très friands de Jazz et de Blues notamment avec les militaires américains – toujours en partance. Tu assistes à un revival du blues. Le rock va intervenir avec force. Des guitaristes anglais comme John Mayall ou Alexis Korner sont responsables de ce grossissement du phénomène blues et de son essor à travers toute l’Europe.

Citons aussi Eric Clapton, Stevie Ray Vaughan ET Johnny Winter ! Le serviteur le plus important du blues… Quel travail effectué TOUTE sa vie pour honorer le peuple noir ! Ya pas de mots. Les NEW BLOOD, Gary Clark Jr, Joe Bonamassa, Oli Brown.

Tous ont perpétué la Musique-Mère sans vraiment la changer. Chacun y a amené son gimmick mais les fondations sont restées les mêmes.

Si demain, toi et moi, on parcourait les États-Unis sur les traces des mythiques légendes du Blues, où m’emmènerais-tu ?

A.P. : Ah Jordane, un tel voyage serait incroyable ! Dans un premier temps, je t’emmènerais dans le Delta du Mississippi, la misère, la moiteur, le berceau du Blues, là où tout a commencé en accords mineurs : une guitare sèche, un bottleneck et la VOIX… émotion du Blues originel juste pour te mettre dans l’ambiance.

Ensuite, un endroit incontournable à visiter : le Musée du Blues à Clarksdale, le parcours idéal. Ce musée possède un nombre impressionnant de pièces et de documents, immersion garantie. Clarksdale est aussi l’épicentre où ont vécu les plus grands musiciens !

Puis, à quatre mille kilomètres au Nord, par les Highways 61 et 49 se trouve Chicago, la capitale du Blues électrique. Là-bas, beaucoup de groupes se sont formés, et ont ajouté le feeling du Blues à l’énergie Rock qui explosera dans les années 70.

Muddy Waters, BB King, Buddy Guy, Albert King, ces figures marquantes ont fortement imprégné le Rock qui intègrera la forme harmonique du Blues par la suite (BLUES ROCK). En hommage à cet « héritage » : Rory Gallagher, Stevie Ray Vaughan, le groupe ZZ Top, Paul Personne, Bill Deraime pour ne citer qu’eux, en sont de brillants exemples.

Sur notre route, on épuiserait le catalogue des frangins de la Chess Records et la Library of Congress d’Alan Lomax. On croiserait sûrement des musiciens épanchés sur leur Fender Stratocaster ou Telecaster ; d’autres sur leur Gibson Lespaul Standard.

Tour à tour, elles se disputent leur prééminence… Si tu écoutes bien, la Fender possède un son – nuancé et plus saturé – un caractère plus affirmé selon la sélection du micro aussi.

La Gibson, quant à elle, possède un son plus puissant, plus sec et agressif. Tu vois, le choix reste au goût du musicien.

On pourrait comme ça, prolonger ce voyage et diversifier les « couleurs » du Blues, j’entends ça d’ici…


Continuer la lecture

Article précédent

Porc Au Caramel


Miniature
[Il n'y a pas de stations de radio dans la base de données]