Arthur Bauchet, Champion De Ski Paralympique

Écrit par sur 30 novembre 2022

« 90% DANS LA TETE, 10% DANS LES JAMBES »

Texte : Anne Tabourel

A 22 ans, il est triple champion paralympique de la Descente, du Super-Combiné et du Slalom. Rencontre avec le sympathique et brillant Arthur BAUCHET, à Grimaud, qui nous dit tout sur son combat contre sa maladie génétique.

La Gazette : Peux-tu nous parler de ton enfance à Grimaud ?

Arthur BAUCHET : Je suis né à Saint-Tropez en l’an deux mille et j’ai grandi à Grimaud jusqu’à mes quinze ans. J’ai effectué ma scolarité à l’école des Migraniers puis au collège de l’Assomption à Sainte-Maxime. J’ai commencé le ski à cinq ans. C’est simple, avec mes parents, nous allions skier à Serre Chevalier tous les week-ends pendant dix ans. C’est ma mère qui nous a tous initié aux sports de glisse : mon frère et moi sur les skis, mon père au snowboard. Enfant, j’ai toujours été très sportif : je faisais du foot à Ramatuelle, du vélo au club de VTT de Grimaud, de la voile à la Moune, et même de la danse provençale ! Nous dansions lors d’évènements. J’étais le seul garçon mais ça me plaisait beaucoup. J’ai dû arrêter à cause de mes jambes douloureuses…

La Gazette : Quand ta maladie s’est-elle révélée ?

Arthur BAUCHET : Jusqu’à mes dix ans, ça allait bien mis à part quelques douleurs dans les jambes et le fait que je marchais sur la pointe des pieds. Un spécialiste nous a dit que cela passerait… Mais l’année de mes dix ans, tout s’est empiré… J’avais tellement mal aux jambes que ça me bloquait le dos… Les médecins m’ont demandé d’arrêter le sport. C’était impossible pour moi donc j’ai choisi de réduire en continuant uniquement le vélo et le ski. L’année de ma Troisième a été très compliquée. La poussée de croissance n’a fait qu’empirer les choses… A l’époque, les médecins parlaient du « syndrome de Little » (qui se caractérise par des raideurs musculaires). J’ai passé un an sans pouvoir marcher… j’allais de temps en temps au collège en fauteuil et travaillais de chez moi par le CNED. Je déprimais totalement… A cause de mon état de santé, je n’ai pas pu me présenter au brevet. Puis ma maladie a été identifiée : la « para parésie spastique », une maladie génétique rare et évolutive qui atteint la moelle épinière et entraine une défaillance du système nerveux, du bassin jusqu’aux orteils. Celle-ci provoque (entre autres) des tremblements involontaires, des crampes régulières et douloureuses, des raideurs, un trouble de l’équilibre et bien sûr, une quasi-impossibilité à skier…. Heureusement, même si nous attendons toujours de connaître le gène responsable, un traitement me permet de remarcher et de skier à nouveau. Le ski est pour moi un moyen essentiel de lutter contre ma maladie, mentalement.

La Gazette : Ta carrière a décollé très vite…?

Arthur BAUCHET : Oui.. ! Tout s’est enchaîné. Avec ma mère nous nous installons à Serre chevalier. Je suis ma Seconde et ma Première au lycée de Briançon où ma prof de sport me met en contact avec la Fédération Française Handisport en 2015… Cet été-là, je pars perfectionner mon anglais en Australie. A mon retour, j’intègre le groupe jeune handiski en 2016. Premiers départs en coupe du monde, premières victoires. J’obtiens ma classification internationale. L’aventure commence…
En 2017, j’intègre la section ski de haut niveau du lycée Jean Moulin d’Albertville qui accueille cent des meilleurs skieurs français âgés de quinze ans. Je suis le deuxième handisport à rejoindre ce Pôle France après Marie Bochet (mais le premier pour les membres inférieurs). J’y effectue ma Terminale en deux ans comme le prévoit le cursus. Avant d’obtenir mon bac S en 2019, je participe aux JO de Pyeongchang en 2018 et deviens quadruple vice-champion paralympique !

La Gazette : Quel souvenir gardes-tu des JO de Pékin en 2022 ?

Arthur BAUCHET : J’ai été la surprise des Jeux en 2018. On ne me connaissait pas… Du coup je suis arrivé à Pékin avec un peu plus de stress même si mes statistiques étaient top et que j’étais bien briefé. Mais la plus forte pression a été autour du Covid et du confinement extrêmement strict que j’ai subi du 26 décembre 2021 au 25 février 2022. J’avais hâte de partir et j’en avais marre d’être testé tous les jours y compris pendant les jeux…J’ai arrêté de compter les tests au bout du 50ème… Sur place, c’était dur de tenir la durée des jeux. Sur neuf jours, il y avait cinq courses. Les efforts sont toujours intenses mais courts donc je serre les dents. Souvent, je tombe à l’arrivée car je relâche la pression. Je reviens de Pékin avec trois médailles d’or (Descente, Super-Combiné et Slalom) et une de bronze (Slalom Géant) et termine 4ème en super G.

La Gazette : Que fais-tu aujourd’hui ? Quels sont tes objectifs ?

Arthur BAUCHET : Depuis 2019, je suis une Licence de Sciences à distance à la fac de Grenoble, adaptée aux sportifs de haut niveau. J’habite Serre Chevalier et je suis licencié au CSHB (Club de Ski de Briançon), avec qui je m’entraîne lorsque je ne suis pas en équipe de France. Je passe mon temps à skier (de début juin à fin avril) et à me préparer physiquement pour les jeux de Milan-Cortina en 2026 ! Bien sûr, ce n’est pas tous les jours rose, je marche souvent en béquilles, je ne peux plus ni sauter ni courir et j’ai des crises de tremblements et de douleurs que je n’avais pas avant. Quand il m’arrive de trembler avant même le départ d’une course, je compte sur mon mental : 90% dans la tête et 10% dans les jambes !
Je reviens dès que possible dans le golfe de Saint-Tropez voir mon frère Corentin, mon père et mes grands-parents. J’ai d’ailleurs prévu de faire avec eux la Bravade de Cogolin en 2023. Avant, j’allais de la mer à la montagne maintenant c’est l’inverse… !


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