Manu Des Salins

Écrit par sur 10 juin 2020

LE PLUS VIEUX PLAGISTE DE SAINT TROPEZ QUI NE SAIT PAS NAGER !

Premier contact au téléphone : Manu : « Moi, je suis quelqu’un de la terre, un paysan ça ne parle pas de lui ! Et puis, moi, je ne suis pas tropézien, je suis Portugais !»

Pensée intérieure : Ah mince, ça commence bien !

Relevons le défi! C’est souvent les taiseux qui sont intéressants !

« Cela fait plus de 50 ans que vous habitez Saint-Tropez, Manu ! Il me semble que vous avez le passeport maintenant !

Vous faîtes partie de l’histoire de Saint-Tropez ! Est ce qu’au moins, vous acceptez d’échanger autour d’un café ?»
Manu : « Oui, prendre un café avec vous, je veux bien !»

Voilà comment cela a commencé ! Il est suffisamment modeste pour ne pas vouloir parler de lui… bon, il ne faut pas que je me loupe : je sais que ce qu’il me confiera une fois, il ne le fera pas deux ; je vais donc enregistrer notre entretien !

Fils de paysans illettrés, il est coursier à Lisbonne, pour se payer sa pension et pouvoir étudier. Mais dans les années 60, c’est la dictature au Portugal et Salazar sévit…

Sans rien dire à sa famille, il décide de partir et traverse les Pyrénées pieds nus : il avait perdu une chaussure dans la rivière ! « Je suis né pieds nus, cela ne m’empêchera pas de traverser ! » dit il à son passeur !

Direction Lille où il travaille dans les abattoirs.

Une saison à Avoriaz, un passage par Paris et une rencontre bien sûr : Stanley, directeur d’un établis­sement de nuit à Enghien-les-Bains, l’emmène à Saint Tropez !

Première impression : « le Port bondé où l’on avait du mal à se frayer un chemin dans la foule ! Mais qu’est ce que c’est que ce village ?» se dit-il.

Une saison aux Caves du Roy, quelques saisons comme plagiste à Tahiti, une rencontre encore ­ celle qui deviendra son associé de 30 ans ­, et il découvre en 1977 ce restaurant magique de la Plage des Salins.

Il ne voudra plus jamais repartir.

Il me parle de son respect infini pour Mr Félix Palmari de TahitiPlage, Félix qui lui a appris son métier et qui était sur sa plage dès 6h du matin, avant tous ses employés.

Et là, bien sûr, il me confie quelques anecdotes dont les plus savoureuses :

Aux Salins, d’abord :Le garde du corps de Janet Jackson ­au léger accent allemand ­lui demande si il a des sushis à la carte. « Ah oui des soucis, j’en ai par dessus la tête !» Il m’apprendra d’ailleurs plus tard que sous l’apparente détente affichée, le volcan gronde en permanence à l’intérieur de lui !

Et d’autres anecdotes sur la plage de Tahiti, celles là :

Il conduit le pédalo mis a disposition des clients ; dessus : Roger Vadim et ses enfants. La mer est agitée, il se cramponne. « Ne vous inquiétez pas Manu, mes enfants savent tous nager !»

« Oui mais pas moi Mr Vadim !!!»

Et encore : Un paparazzi lui demande si il a vu Michel Berger, il lui répond que non ! Quelques minutes plus tard, un homme s’approche et lui sert la main pour le remercier. « Pourquoi merci ?»

« C’est moi, Michel Berger !» Il ne l’avait pas reconnu !

De toute manière, il ne reconnaît personne me dit-il.

C’est sans doute pour cela que les nombreuses célébrités aiment venir dans ce lieu : vous êtes client ou pas et c’est pour cela que Manu vous reconnaît ou pas !

En parlant de Tahiti plage, je me dis alors qu’il doit bien penser à Félix, quand il tamise tous les matin le sable des Salins avec Charlotte… Ah, non !

Pardon : ce n’est pas « avec Charlotte» mais « avec une charlotte»! Oui, c’est l’occasion pour Manu de m’apprendre ce qu’est une charlotte, moi pauvre ignarde de citadine ! Il me la montre même : un grand tamis. « C’est la même que je tire depuis 50 ans !» me dit il.

Et pourtant, il me dit aussi avoir passé la main à sa fille : « c’est elle qui gère maintenant !»

A la question, « Quelles valeurs lui avez vous transmises ?» Il me répond : « Je lui ai toujours dit qu’il fallait aimer les gens avant d’aimer l’argent !

Si tu aimes les gens, le reste suivra !» Et Célia, sa fille, de nous rejoindre : « Tout était déjà fait quand je suis arrivée ! J’essaye de continuer aussi bien que me l’a appris mon père.

J’essaye surtout de maintenir cette ambiance détendue qu’il insuffle.»

Elle a bien sûr, apporté quelques nouvelles idées ; comme cette pizzeria lounge au­ dessus du restaurant historique, emplacement à la vue imprenable qu’il était dommage de ne pas exploiter et dont son mari a voulu s’occuper. « Bien sûr, notre cadre professionnel est sublime mais le travail quotidien est titanesque !»

En parlant de transmission familiale, elle me répond que cet héritage n’est pas trop lourd car ils s’entendent et se complètent parfaitement bien.

« On est toujours dans l’anticipation. Il voit des choses que je ne vois pas et inversement !»

Là dessus, la 3 ème génération arrive : une charmante petite tête blonde vient faire un bisou à sa maman.
J’imagine Célia au même âge, au même endroit…

Elle me précise bien que son fils fera ce qu’il voudra !

Je les laisse donc en famille et avec ces quelques tables qui commencent à se remplir. Il est 12h30…
Les clients ont bien sûr, tous été appelé par leurs prénoms et salué, entre deux questions !

Je pars et vérifie fébrilement mon enregistrement : Manu parle bas et le bruit des vagues a peut-être couvert sa douce voix… Horreur : mon téléphone n’a rien enregistré, l’application a planté !

L’in­fluence de Manu sans doute : son refus d’écrire ses mémoires ­on le lui a proposé plusieurs fois pourtant ­, sa volonté d’être présent aux autres, sa réticence à parler de lui…

Même mon téléphone a respecté ! Et oui, Manu, on le respecte !

Il faudra donc que je revienne pour préciser certains points !

Bien joué Manu : belle leçon d’instant présent !


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Manuel Pierre Besse


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