40ans du Festival de Ramatuelle

Écrit par sur 27 juin 2022

Chaque année, entre fin juillet et la mi-août c’est l’effervescence à Ramatuelle et pour cause c’est le Festival de Ramatuelle créé en 1985 en hommage à l’acteur Gérard Philipe. Ne croyez surtout pas que ce théâtre en plein air est un vestige romain ! Pas du tout, au départ, c’était en fait un terrain en friche sur la colline de Paillas … Et si ce théâtre à vue le jour, c’est grâce à deux passionnés, le comédien Jean-Claude Brialy et Jacqueline Franjou, alors conseillère municipale du village et aujourd’hui figure incontournable du Festival. Rencontre avec Jacqueline Franjou et Michel Boujenah. A l’époque , cette jeune femme a toujours imposé la culture dans son parcours professionnel, elle ne connaissait absolument pas le milieu du spectacle , mais sa rencontre avec un comédien va être déterminante :« Jean-Claude Brialy, cherchai à acheter une petite maison dans les environs, mon frère qui le connaissait lui a donné mes coordonnées pour que je lui fasse découvrir le coin et l’aider à trouver la maison de ses rêves. Lors de notre première rencontre je lui ai appris que Gérard Philipe était enterré ici dans son costume du cid… Je lui ai soumis alors l’idée de créer un festival de théâtre qui lui rendrait hommage et c’est comme ça que tout à commencé ! Nous avons vite reçu l’accord de la mairie, il ne manquait plus que le lieu qui sera dessiné par l’architecte Serge Mège. Jean-Claude allait se charger de la programmation et moi de récolter des fonds et on pensait que cela durerait un an car beaucoup de choses sont éphémères à Saint-Tropez… Et finalement ça fait 40 ans que ça dure ! ». Nous explique Jacqueline Franjou avec des étoiles dans les yeux. Son carnet d’adresse personnel a permis de trouver vite des sponsors généreux au sein de l’UAP, Thompson, la Cogedim, Badoit, Moët & Chandon… Le théâtre à ciel ouvert surgit à une vitesse impressionnante, en un mois, avec ses gradins en pierres qui formaient un hémicycle… La Rome antique s’invitait en Provence. Au début il n’y avait que 700 places, aujourd’hui il peut accueillir 1200 personnes. « Pour marquer les esprits, il fallait une distribution de choc et là Jean-Claude en trois mois a su convaincre ses amies Danielle Darrieux et Suzanne Flon de descendre jouer Gigi. Nous avons eu les Fourberies de Scapin avec Francis Perrin et bien sur Jean-Claude a joué la pièce Côté cœur côté jardin. Marie-Paule Belle et surtout Juliette Gréco, ont donné chacune un récital inoubliable ! » se souvient Jacqueline et de nous expliquer que Juliette dans son enthousiasme pour ce lieu, a cherché un terrain et a fait appel au même architecte Varois pour lui dessiner sa maison « maya », la seule qu’elle ait fait construire dans sa vie. Pour ceux qui ne sont jamais venu, il y a une routine à la fin du spectacle : lancer son coussin sur la scène (les bancs en pierre étant très inconfortables) :« Les coussins ont été lancé dès le premier soir ». Se remémore Jacqueline. « Comme je n’avais pas d’argent à l’époque pour en acheter 700, j’avais demandé au Club Med de me les fournir gracieusement, ils avaient même le sigle du trident. Mais un soir, Véronique Sanson, avait un objet sur scène auquel elle tenait tout particulièrement car offert par Michel Bergé, il a été cassé par les coussins et là, Jean-Claude a râlé, durant quelques représentations on a demandé de stopper cette habitude ! Ça n’a pas duré longtemps, mais si un artiste en fait la demande, on l’explique au public. L’année dernière, justement quand isabelle Adjani, est venue, elle n’en voulait surtout pas ! ». De mauvais souvenirs ? « Il y a un risque à faire un festival, mais je suis la seule à prendre le risque car je suis présidente d’une association. La crainte que l’on puisse avoir, c’est si jamais l’artiste que l’on a invité ne plait pas. II y a eu une année où nous avons eu un spectacle très faible car très triste… Le grand maitre ici c’est Michel Bouquet, à qui je rendrai hommage cette année, c’était un être magnifique, c’est quand même le seul artiste qui a eu un hommage national aux invalides. En 40 ans j’ai reçu 150 metteurs en scène ». Mais le pire moment qu’elle est vécu, c’est la disparition de jean-Claude Brialy : « A ce moment-là j’ai failli tout arrêter. Nous avions été ensemble durant 23 ans et je me suis rendu compte qu’en passant 23 ans à ses côtés, nous étions libres chacun, de paroles, de programmations… C’était un homme d’esprit, avec une culture immense, il est décédé fin mai et de suite les journalistes me posent la question ? Qui allez-vous prendre comme directeur artistique ? Qui accepterait de prendre le risque avec moi ? j’ai eu beaucoup de propositions, mais j’avais dans la tête Michel Boujenah. Il n’a pas dit oui immédiatement… »

Pourquoi autant d’hésitation de la part du comédien ? Michel Boujenah, toujours avec beaucoup de malice s’explique sur ce premier refus : « En fait, cette année-là, Jean-Claude avait encore fait la programmation, mais il est parti au paradis et Jacqueline Franjou a donc décidé d’inviter chaque jour un artiste différent pour jouer le rôle du maitre de cérémonie. Je suis passé la veille de la clôture cette année-là, juste pour présenter le spectacle et je suis parti. Le lendemain, elle me téléphone pour m’annoncer que je serai le prochain directeur artistique et j’ai dit non. J’étais déjà très pris, un festival ça prend du temps et c’était très compliqué de m’organiser. Et puis je ne me trouvais pas légitime. Je trouvais que quelqu’un comme Francis Huster y avait sa place, je ne suis pas un professionnel dans la profession… Mon agent de l’époque qui était Charley Marouani (il s’était occupé de Brel, Nougaro, Barbara…) m’a dit clairement que je devais accepter, sans discuter… que c’était important, un honneur, que je ne pouvais pas refuser, que quand j’y avais joué j’en avais parlé pendant deux ans ! Et donc j’ai rappelé Jacqueline et je lui ai dit d’accord, mais je serai à vos côté seulement pendant un an. » Et finalement à ce jour, le comédien est toujours à la direction artistique car il n’est pas du genre à laisser tomber. Son seul regret ? Que le Festival soit programmé durant les vacances et que ça lui plombe un peu ses soirées d’été dixit le comédien avec un petit sourire. « Ce festival est un des plus connus de France, je pense que c’est dû à la qualité du lieu, il est incroyable, magique. Mon premier objectif était de respecter l’héritage de Jean-Claude Brialy et évidement d’y amener ma touche. Mes rapports avec les humoristes sont importants, j’ai fait venir d’autres générations, comme Abd al Malik, programmé des soirées entières d’humoristes, par exemple j’ai permis aux gens de découvrir Alex Lutz, Claudia Tagbo… Je ne suis pas un directeur artistique dictatorial, mon but est de faire chaque fois un bon festival, évidement que l’on est condamné aux succès car ce festival tient à la fréquentation, mais par exemple Zaz je l’ai découverte à Montréal, elle répétait à côté de moi ou encore j’ai repéré Juliette Armanet, pas encore connue mais avec déjà une aura incroyable, elle faisait la première partie du spectacle de Julien Doré, le 1 aout 2017. Il y a une soirée que je n’oublierai jamais, celle de Matthieu Chedid en 2014, je le rencontre par hasard en mer, on prend un verre ensemble et c’est comme ça que je l’ai convaincu de venir chanter chez nous. L’hiver dernier, je suis à un concert avec ma fille et là elle voit Christophe Maé, papa fait moi plaisir, demandes lui de venir à Ramatuelle ! Je lui tape sur l’épaule, il se retourne, je sais qui vous êtes, je rêve de chanter à Ramatuelle ! » Et effectivement, il est programmé le 1er août 2024 à 21H30. Il ne désespère pas de recevoir à nouveau André Dussollier et la Comédie Française. Il ne peut oublier les soirées avec Fabrice Luchini ou encore Michel Jonaz. La première fois qu’il a vu « le Repas des Fauves » et bien sûr quand il a joué sur cette scène en 1987 la version des Magnifiques et l’Avare en 2023. Michel Boujenah aimerai beaucoup proposer de la danse contemporaine, mais les contraintes techniques pour le moment le freine : « Arrêtons de dire que c’est un festival sectarisme, on peut tout mélanger ici, Heureusement nous sommes une équipe soudée, sans oublier l’équipe technique, car c’est compliqué de mettre en place un spectacle par jour ! ». Quand on demande à Jacqueline Franjou ce qui rapproche Michel Boujenah de Jean-Claude Brialy, sans hésitation elle nous explique : « Michel est quelqu’un de profondément généreux, il a un cœur gros comme ça, il a un talent immense, il l’a encore prouvé dans la pièce l’Avare l’année dernière. C’est un méditerranéen comme Jean-Claude, voilà leur similitude. Ils sont complémentaires, Jean-Claude était mon frère ainé et Michel est comme mon frère cadet, je n’ai pas de différence ! »


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