Jacotte Capron

Écrit par sur 14 mai 2024

Une vie de céramique

De la gare maritime de Cannes au Byblos de Saint-Tropez, en passant par le musée de la céramique de Vallauris, ils ont écrit tout un pan de cette épopée artistique aux côtés de Picasso, Jouve et consorts. Il fallait que je rencontre Jacotte Capron. Née Hubin en 1935, à 89 ans, elle produit des merveilles de terre et de couleurs. Pour qu’elle me raconte son histoire, direction Grasse où elle œuvre aujourd’hui. Parlez-moi de votre couple avec Roger Capron ? A ma sortie des beaux-arts à 16 ans, j’ai fait un stage en céramique chez celui qui deviendra mon mari deux ans plus tard. Il me demandait toujours de mettre au point ses idées, et comme il en avait beaucoup, j’étais très occupée ! Je créais les maquette des panneaux décoratifs qu’on exécutait dans notre usine, des pièces uniques pour des architectes et décorateurs, comme celui du Byblos exécuté avec Jean Derval et notre très fidèle collaborateur Jean Paul Bonnet. Roger était un touche-à-tout très difficile à suivre. La vie avec lui était passionnante, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer. Je me suis mise à la création après sa disparition en 2006, avant je n’avais pas le temps de travailler pour moi. Faire de la céramique aujourd’hui est une façon de retrouver mon mari. C’est une continuité. Quand l’usine ferme, Roger Capron se tourne vers la sculpture pour exprimer ses idées nouvelles et son foisonnement créatif. Et là encore vous serez maître de la couleur ? Roger était particulièrement doué pour les formes, il avait une imagination complètement délirante, alors qu’il n’avait pas de facilité pour la couleur, donc c’était ma spécialité ! Je travaille d’abord avec une palette dite muette car la couleur du pigment n’a rien à voir avec la façon dont elle va sortir après cuisson. Mon œil doit imaginer le rendu final. Ce n’est pas la couleur en soi qui compte, mais celle que l’on met à côté pour la faire valoir, celle qui va donner l’harmonie finale et révéler la palette et la personnalité d’un artiste, et de tous ceux qui manipulent la couleur. A la mort de mon mari, cela a été très difficile pour moi. Un ami m’a poussé à recommenciez à travailler pour m’en sortir psychologiquement. C’était vital ! En travaillant sur commande, pas plus de quatre heures par jour, je n’ai pas un rendement très productif (rire). En générale, mes clients deviennent des amis. Je fais des panneaux, des origamis, mais aussi des petits personnages pour le plaisir de tripoter la terre. Si je gardais tout ce que je fais, je serais complètement envahie. Où trouvez-vous l’inspiration ? Vous savez, l’inspiration, c’est un mot qui n’existe pas dans notre métier ! C’est l’imagination, le résultat de beaucoup de travail, de regard sur d’autres travaux et une évolution du travail. On n’innove jamais, on se nourri de ce qui a déjà été créé. Il y a des courants portés par plusieurs céramistes à la fois, des idées qui passent. Lorsque nous exposions dans des salons, curieusement, on retrouvait chez nos copains des formes que l’on sortait en même temps, tous ensemble ! Les années 50 c’était la grande époque où tout se passait à Vallauris. Ça s’est complétement délité. Aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus de céramistes. Les derniers de notre génération ont disparu. Dans notre région, il y a encore des céramistes à Salernes, comme Alain Vagh et son fils, chez qui je suis allée faire des carreaux. Ce métier est-il une passion ? Ça nous accapare beaucoup en tout cas ! La céramique c’est toute ma vie. Quel conseil donneriez-vous à la jeune génération ? Je leur conseillerais de beaucoup travailler, car seul le travail apporte des nouveautés, le génie c’est excessivement rare. Capron, un nom synonyme de céramique. Le couple a engendré plusieurs milliers d’œuvres d’art et de créatures de terre aux formes hybrides et singulières, dont le passage au feu révèle les couleurs franches et les noirs profonds. De leurs quatre enfants, seul Philippe emprunte le chemin de ses parents, devenant un spécialiste de la terre enfumée, suivi par son fils Louis, dont la technique d’encastrement est très remarquée par sa singularité. Pas de doute, la relève est assurée.


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